Dominance et hiérarchie chez le chien: ces mythes coriaces!

Dominance et hiérarchie chez le chien: ces mythes coriaces!

« Mon chien ne m’écoute pas! C’est de la dominance »; « Mon chiot fait toujours à sa tête et il ne me reconnaît pas comme le chef de meute » ; « un chien ne doit jamais manger avant son maître car il pourrait devenir dominant ».

J’ai dû entendre des phrases comme celles-là des centaines de fois au cours des dernières années. Le concept du chien dominant est encore très répandu et ancré dans l’esprit de plusieurs. On y croyait tous à une certaine époque, mais les temps ont changé. Aujourd’hui, la science nous démontre que le modèle hiérarchique inter-espèce ou inter-spécifique (entre deux espèces différentes) n’existe tout simplement pas. Peut-il y avoir dominance entre deux chiens? Nous verrons ce qu’il en est plus loin.

D’où vient la théorie de la dominance chez le chien? 

La théorie de la dominance chez le chien ne date pas d’hier! Elle remonte à la fin des années 1940 alors que le zoologiste allemand Rudolf Schenkel avait étudié le comportement d’une dizaine de loups en captivité. Il avait ensuite publié ses résultats dans un article intitulé « Audrucks-Studien an Wölfen : Gefangenschafts-Beobachtungen » qui est paru dans la revue Behavior. Schenkel avait conclu que les loups vivaient selon un modèle hiérarchique où il y avait dominance, compétition et, par le fait même, un loup alpha (chef) et un loup oméga (soumis).

Des idées qui ont fait un long bout de chemin

Les écrits de Rudolf Schenkel sont demeurés une référence pendant plusieurs années et ont été repris par plusieurs, dont Lucyan David Mech, un zoologiste américain qui a lancé en 1970 « The Wolf: Ecology and Behavior of an Endangered Species ». Dans ce livre, Mech confirme certaines observations de Schenkel au chapitre du modèle hiérarchique. Puis… coup de théâtre! Trente-cinq années plus tard, Mech réfuta lui-même ses propres théories en affirmant que l’emploi du terme « alpha », pour désigner le loup de tête de la meute, était totalement inapproprié. Dans une vidéo sur internet, il explique que les qualificatifs « mâle reproducteur » et « femelle reproductrice » seraient beaucoup plus adéquats. Plusieurs autres éléments étaient à reconsidérer, comme le fait que les loups observés étaient en captivité et non dans leur habitat naturel. Comme quoi il n’est jamais trop tard pour se remettre en question!

Voici la vidéo de David Mech:

Revenons à nos chiens!

Prenons donc les chiens pour ce qu’ils sont… Les comportements de dominance sont parfois présents entre deux chiens mais ils sont situationnels et jamais figés. Il faut faire la différence entre un comportement et le tempérament. Lors d’une période de jeu, par exemple, un chien déposera son arrière-train sur le visage de son congénère et ce dernier ne tentera pas de l’en empêcher. Dans un autre contexte, ces deux mêmes chiens apercevront un os par terre et le canidé qui avait la tête ensevelie sous les fesses de son compagnon, dans l’exemple précédent, adoptera ici un comportement de protection et grognera pour tenir l’autre chien à l’écart. Qualifier un chien de dominant et un autre de soumis, c’est leur apposer de fausses étiquettes. La dominance intra spécifique est instable, dépend du moment et de la motivation d’un chien qui est en compagnie d’un autre chien et en présence d’une ressource.

De la dominance avec les humains?

Un chien qui se frotte contre la jambe de son humain ne signifie pas qu’il cherche a le dominer; il tente plutôt de lui communiquer autre chose : qu’il s’ennuie, a un manque à combler, un trop plein d’énergie à dépenser… Un autre chien qui tire en laisse lors des promenades ne tient vraiment pas à se montrer le chef de la meute! A t-il seulement appris à marcher correctement en laisse? A t-il le bon harnais pour lui faciliter l’exercice?

Imaginons la situation suivante qui, malheureusement, se produit encore trop souvent. Médor est en train de manger et se met à grogner lorsque son gardien dépose un bol d’eau près de lui. L’humain attrape l’animal par le cou, le plaque au sol en position de soumission et le maintient ainsi pendant un bon moment. Quel message ce gardien est-il en train de véhiculer à son compagnon? « Je suis le maître et tu ne dois pas grogner en ma présence! » Le chien, qui tente de communiquer son inconfort, assimilera plutôt ceci: « J’ai très peur, je ne veux pas que tu voles ma précieuse nourriture et quand je t’en avertis, tu me fais mal. À l’avenir, j’aurai encore plus peur de toi…»

Vous comprendrez que des gestes semblables, répétés au quotidien, ruinent la confiance et les rapports entre humains/chiens. Nous ne le répéterons jamais assez: fuyez comme la peste les soi-disant éducateurs prônant de telles méthodes. Un chien a besoin d’un gardien bienveillant qui subviendra à ses besoins et le guidera vers des comportements adéquats. Il n’a pas besoin d’un « maître alpha » ou d’un « chef de meute » colérique et perturbant!